Etre DDCM puise ses racines dans une histoire personnelle

Le témoignage de Colette Bence, DDCM du diocèse de Coutances

 

Au-delà de toute frontière, l’Évangile entrelace nos chemins

Une nouvelle compréhension de l’activité missionnaire a vu le jour au milieu du 20é siècle dans l’Église catholique, on a pu parler de ‘rapatriement’ des missions dans la Mission de l’Église, de retour de la missiologie dans l’ecclésiologie.  En 1957 une lettre de Pie XII demandait aux Églises de vieille chrétienté d’envoyer pour un temps déterminé des agents pastoraux au service des Églises d’Afrique et d’Asie. Quelques années plus tard au Concile Vatican II, les évêques de l’hémisphère nord découvraient la vitalité de la vie des Jeunes Églises à travers la présence d’évêques africains et asiatiques. Les relations entre les Églises du Nord et celles du Sud vont en être profondément modifiées.

C’est dans ce contexte historique et ecclésial nouveau que je suis partie à Madagascar. Je suis membre d’une des 180 congrégations féminines françaises ayant répondu à l’appel  lancé par Pie XII. Dans le même temps de nombreux prêtres diocésains (ils seront 575 prêtres en 1972) et des jeunes laïcs répondent à cet appel.

Va vers l’ailleurs…

Madagascar_2005Comme tout missionnaire, j’ai fait l’expérience de la plongée dans un autre peuple : langue, culture,  tout est à découvrir. Je garde le souvenir d’avoir été  émerveillée par la vitalité du peuple malgache, son sens de la vie, de la fête,  de la solidarité, le fihavanana ! J’ai contemplé l’Esprit de Dieu à l’œuvre dans une jeune Eglise pas encore centenaire à mon arrivée ; les Actes des apôtres continuaient à s’écrire sous mes yeux. Invitée à participer à l’annonce de la Bonne Nouvelle en cheminant avec les séminaristes, les catéchistes, des catéchumènes, adultes et jeunes j’ai été témoin du dynamisme de toute une chrétienté, en particulier des catéchistes, j’en ai connu qui apprenaient à lire pour pouvoir lire la Bible.

Joie de voir croitre et grandir la communauté chrétienne, souffrance de devoir enseigner la division du Corps du Christ en même temps que l’annonce du message de Salut. A mon arrivée, la petite ville de Fénérive-Est ne devait pas compter plus de 1000 chrétiens mais ils étaient répartis en 7 confessions différentes, divisions incompréhensibles pour les chrétientés naissantes dans un contexte historique  tout autre.

Donner-Recevoir

Partie avec le désir de vivre l’altérité, je me suis vite aperçue que cela n’allait pas de soi tant la différence culturelle est grande. « Un morceau de bois dans l’eau ne deviendra jamais un caïman ». La différence est une richesse à accueillir elle demande écoute, décentrement de soi. J’ai perçu les fruits d’un donner-recevoir aussi bien dans les petites choses de la vie quotidienne que sur des sujets fondamentaux. Occidentale, j’ai du apprendre à ne pas maîtriser mon temps, à savoir donner la priorité à l’accueil, à l’imprévu, mais j’ai pu expliquer que le respect d’une personne, d’un groupe passe aussi par le respect d’un horaire. Autre exemple : étrangère, je n’avais pas à émettre un jugement sur les fomban-drazana, les coutumes ancestrales, il m’est arrivé de le faire à la demande de responsables pastoraux pour qui le regard «distant» de l‘étrangère apportait un éclairage nouveau. Le mot de « passeur » me vient à l’esprit, j’ai souvent eu le sentiment d’être un passeur qui permettait de gagner une autre rive, un ailleurs  ressenti comme une libération.

J’ai fait à Madagascar une expérience de vie en Église, Église qui s’inscrit dans l’épaisseur de l’histoire et du temps, ‘Église d’Églises’, Église dont la communion avec d’autres Églises s’enracine dans la communion trinitaire. Ceci m’habite aujourd’hui particulièrement durant les célébrations eucharistiques.

Être proche de ceux qui sont loin, sans être loin de ceux qui sont proches

Aujourd’hui je vérifie ce slogan du service missionnaire des jeunes à travers la responsabilité du Service diocésain de la Mission universelle.Il a pour objectif de tenir en éveil la conscience missionnaire de chaque baptisé, de favoriser les échanges entre les Églises d’ici et d’ailleurs. Toutes sont invitées  à se mettre à l’écoute de ce que « L’Esprit dit aux Églises’’ Toutes les Églises, jeunes et anciennes, sont appelées à donner et à recevoir, aucune ne doit se refermer sur elle-même : « En vertu de cette catholicité – dit le Concile -, chacune des parties apporte aux autres et à l’Église tout entière le bénéfice de ses propres dons, en sorte que le tout et chacune des parties s’accroissent par un échange mutuel universel et par un effort commun vers la plénitude dans l’unité. […] De là, entre les diverses parties de l’Église, des liens de communion intime quant aux richesses spirituelles, aux ouvriers apostoliques et aux ressources matérielles » LG n°13

P1030182Le service n’a pas vocation à mener des actions isolément, il est une instance de proposition au service des différentes communautés ecclésiales, il les aide à vivre cette dimension universelle de l’Église. Une attention particulière est portée au monde de l’enfance et des jeunes en transversalité avec les services de la catéchèse et de la pastorale des jeunes : temps forts missionnaires pour des groupes d’aumônerie, des mouvements, proposition du Volontariat aux jeunes adultes etc

Élargis l’espace de ta tente, allonge tes cordages Isaïe 54,2

Dans le concret, l’échange avec ‘l’ailleurs’ se vit à travers  la correspondance, un bulletin trimestriel. Chaque année en juillet, une journée dite ‘Journée inter-Églises’ permet une rencontre entre les chrétiens d’ici et de l’ailleurs : personnes en congé, prêtres venus d’Afrique pour un ministère d’été. Il revient aussi aux membres du service de veiller à ce que les divers jumelages ne se referment pas sur eux-mêmes mais gardent une ouverture universelle.

En collaboration avec le service ‘Pastorale des migrants’, une attention est portée à l’accueil des frères et sœurs d’autres continents présents dans nos paroisses.  Leur intégration dans nos communautés donne un témoignage de fraternité possible entre les peuples, entre les cultures. Je suis plus particulièrement chargée d’accompagner les prêtres étrangers qui viennent chez nous pour quelques années de ministère. Pour que leur présence soit vécue comme un véritable échange d’Église à Église, il faut que la communauté qui accueille ait un grand sens de l’hospitalité, qu’elle soit prête à se laisser bousculer dans sa façon de prier, de célébrer, d’organiser la paroisse, de vivre la diaconie. Une préparation est nécessaire aussi bien du coté de celui qui arrive que de la communauté qui reçoit. Vivre la fraternité en Christ est un vrai défi, c’est une richesse pour qui ose le relever : « Les jeunes Églises ont besoin de la force des Églises anciennes, et en même temps celles-ci ont besoin du témoignage et de l’impulsion des jeunes Églises, de sorte que chacune de ces Églises puise dans la richesse des autres. » (Christifideles laici 35)

Il appartient aussi au service de rappelle l’importance de la communion dans prière. Un temps fort est proposé chaque année en octobre au même moment au niveau mondial, temps de communion entre les communautés ecclésiales, temps d’information sur la vie des Églises,  de prière mutuelle, temps de partage financier : toutes les Églises, de la petite communauté de brousse aux grandes paroisses des villes de l’hémisphère nord, versent leur obole dans un tronc commun, la répartition est ensuite faite par les responsables nationaux.  « Les Églises se font connaître réciproquement leurs propres besoins ; elles se communiquent mutuellement leurs biens, puisque l’extension du Corps du Christ est la fonction du Collège Épiscopal tout entier.» Ad Gentes n°38

La Mission est inscrite dans la nature de l’Église, elle est de partout à partout. Il est significatif que l’échange de ministres ne se fasse plus seulement Nord-Sud, mais aussi Sud-Sud. Les communautés chrétiennes ne peuvent se refermer sur elles : « Que tous soient un, comme toi, Père, Tu es en moi, et moi en toi. Qu’ils soient un en nous, eux aussi, pour que le monde croie que Tu m’as envoyé. » Jn 17,21 Reste un grand défi pour les Églises chrétiennes : celui de l’œcuménisme, du témoignage commun pour l’annonce de l’Évangile dans la reconnaissance de la différence des particularismes confessionnels. « Puisse l’Esprit saint nous guider dans la voie de la réconciliation afin que l’union de nos Églises devienne un signe toujours plus lumineux d’espérance et de réconfort au sein de l’humanité entière »

Colette Bence
 24 mai 2015

 

 

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